Le livre avec lequel tout a commencé |
Ma passion pour le cop-show remonte à ma plus tendre enfance. Je m'accrochais comme un forcené à la couverture noire de mes cascades policiers. Je me souviens même de mon auteur préféré de l'époque Christian Grenier, un grand homme. Cette passion s'est transférée à l'écran par la suite grâce notamment a CSI (Les experts Las Vegas), le premier procédural et Crossing Jordan, le début du policier léger et amusant. Le tout s'est concrétisé lorsque j'ai commencé à regarder Cold Case. Le filtre glacé, la BO, l'ambiance et le psychique fêlée de Lily Rush ont eu raison de mon petit coeur. Coeur qui continue de battre à l’unisson grâce à The Wire et surtout à l'underdog et inestimable Southland. Prime suspect semble vouloir s'ancrer dans la lignée de ces séries sombres et intenses. Malgré ses goûts désastreux pour les chapeaux Jane, l'héroïne de cette nouvelle série de NBC, semble arriver à porter à bout de bras cette nouveauté. Oui, je tue tout suspens dans l'oeuf, la série tient la route, néanmoins, le pilot possède les travers propres aux premiers épisodes de séries et principalement celui de l'imposition du personnage principal qui se fait plutôt aux forceps qu'avec nuances.
Jane est un inspecteur de la NYPD au caractère bien trempé qui n'obtient aucune direction d'enquête et ce malgré ces capacités certaines. L’ensemble de ses collègues pensent qu’elle a obtenu sa place grâce à une promotion canapé, en tout cas c'est l'argument qu'ils avancent pour lui mettre des bâtons dans les roues ; en réalité il s'agit de mysoginie qui semble selon la série profondément ancrée dans l'histoire de la criminelle de NYPD. Je ne vous ferai pas l'affront de répertorier l'ensemble des séries qui traitent de la misogynie dans le milieu de la police, quasiment toutes possèdent au moins un épisode sur le sujet.
Le personnage de Jane nous est présenté dans ses deux sphères, la publique, par son milieu professionnel et la privé, par sa relation avec son père et celle avec son compagnon, Matt; un milieu où elle parait, l'autre où elle est. Au sein de son milieu professionnel elle ne montre aucune faiblesse, ne manque pas de culot et n’hésite pas à confronter ses collègues en permanence. Elle n'hésite pas à prendre des choix drastiques pour progresser et prouver qu'elle est talentueuse et pas seulement une paire d'ovaires; c'est d'ailleurs cette puissance du choix qui structure l'épisode et certainement la suite de la première saison, Jane obtenant la direction de l’enquête car l'inspecteur qui la dirigeait, qui se trouve être le plus apprécié de son service, meurt d'un arrêt cardiaque, elle demande, alors, le poste alors que l'ensemble du service est endeuillé. Un choix de l'ordre du sinistre mais aussi du pragmatisme, un choix qui crée un contexte de début de saison d'une noirceur brillante.
Souvent lorsque professionnellement l’excès de confiance en soi et la confidence règne, la sphère privée chancelle, ici ce n'est pas entièrement le cas. La relation avec son compagnon nous est présentée sous son meilleur jour, ils s'aiment, communiquent et se réconfortent, c'est encore cette nécessité du choix qui est mise en avant : obtenir la garde partagée de l'enfant de Matt ou conserver ses armes à feu, son identité policière en quelque sorte, chez elle. Elle choisit l'enfant, elle confie les armes à son père. Néanmoins, l'action ne suffit pas à rassurer une belle-mère envahissante et sceptique, Jane se doit d'imposer son choix, c'est sa volonté qui scelle, une nouvelle fois, son destin. En soit, la scène finale, celle du restaurant, fait écho à à la confrontation au chef de la criminelle lors de la mort de son collègue : elle obtient ce qu'elle souhaite par des décisions emplies du volonté teintée de rage. Toutefois il est impossible de détacher totalement les sphères du privée et du public, il exite toujours une frontière poreuse entre les deux.
Cette frontière se manifeste la première fois lors de la première scène, celle du taxi. Jane se rend sur les lieux de son travail tout en téléphonant à son compagnon justement au sujet de la garde, le conducteur du taxi ne l'écoute pas, nie ses requêtes pourtant fondées - éteindre sa cigarette, baisser la musique et ne pas téléphoner en conduisant - il faut qu'elle sorte son badge et son beretta pour avoir le respect. Tout cela se déroule alors qu'elle est toujours au téléphone avec Matt, au sein d'une même scène les univers s'effleurent, c'est la seule fois de l'épisode où cela sera le cas, volontairement en tout cas. La rencontre involontaire c'est le média : télé, radio ou presse, Jane conduit une affaire médiatisée, elle est donc omniprésente sur cette même scène. Ses intimes peuvent donc apercevoir son image publique. La Jane publique est physiquement méconnaissable de celle privée : cheveux tirés en arrière, absence de maquillage, costume trois pièces et surtout Borsalino bleu marine, sa signature. Apparat masculin dans un univers qui l'est tout autant - on ne peut s’empêcher de comparer le personnage à Teresa Colvin de Chicago Code. Le traitement de l'image de Jane qu'elle soit médiatique ou quotidienne est une des perles trop discrète de ce pilot.
Jane revisite le look Garçonne des années folles avec peu de réussite |
Loin des tumultes de ses vies, Jane possède un sanctuaire, son père. Personne de la confidence, de la connaissance et du doute, ce père incarne un lieu placée à la fois au croisement et exilé de ses mondes professionnels et sentimentaux. Ce père épouse les deux sens du terme sanctuaire : lieu de culte du monde policier, il doit certainement être un ancien flic, il recueille les armes de Jane lorsqu'elle prend la décision de les évincer de chez elle pour Matt et surtout c'est avec lui qu'elle parle de son métier, lui seul ; mais aussi lieu d'asile où Jane se confie et exprime ses doutes, on y voit les coulisses de ses décisions, la difficulté d'assumer ses choix, les fêlures de Jane en somme.
Intervient alors une interrogation : qui est Jane ? Le flic passe t il avant la femme ? La poule était elle avant l'oeuf ? Joue t-elle un rôle dans sa vie privée ou à la criminelle ? Ce questionnement de l'identité de Jane est clairement la colonne vertébrale de la série, Maria Bello a intérêt à posséder de sérieuses épaules. L'interrogation sur l'identité de Jane se reflète dans l'ensemble de son équipe : leur collègue Jane, au départ, n'était rien qu'une femme, dorénavant, c'est un charognard. Une image négative semble en chasser une autre au sein de la criminelle. Néanmoins, en prouvant sa crédibilité et son efficacité durant l’enquête Jane semble s'être attiré un respect discret de certains de ses collègues même si l'ensemble de l'équipe reste soudée autour de l'inspecteur Red Duffy, symbolisant la résistance à la présence de Jane. L'évolution de l'entente de l'équipe et de la place de Jane au sein de cette dernière sera l'un des enjeux de cette première saison.
Jane Timoney (Maria Bello) et Red Duffy (Brian F. O'Byrne) |
La tristesse de ce pilote c'est que toutes les subtilités énoncées ci-dessus sont cachées derrière la rage du personnage, il n'est mis en avant qu'une femme forte et quasi hargneuse, c'est ce que j'entends par "imposition du personnage principal au forceps", un manque de nuance, une volonté d'en faire trop, comme peut le faire Jane parfois. Une série qui ressemble à son personnage en réalité et qui comme elle va se préciser, s'affiner et, on l'espère, se dépasser.
N. pour vous servir. |
Je n'ai pas vu ce pilote ! Mais ça donne envie... Bonne continuation
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