jeudi 15 mars 2012

Justified - Un Western de familles


Cet article n'est pas spoiler free


A l'heure où Deadwood n'est plus et Hell on Wheels en est à ses balbutiements, le genre du western se fait rare sur les lucarnes américaines. Objet d'inspiration pour le grand écran, le western est un style bien à part qui possède ses codes, ses travers et ses charmes. Justified narre, à première vue, simplement les aventures du marshall Raylan Givens, flic aux méthodes peu conventionnelles n’hésitant pas à tirer plus vite que son ombre. Posté à Miami, Givens est muté à Harlan dans son Kentucky natal suite à un débordement de trop. Le pistolero des temps modernes va donc se retrouver face à son passé, ses fantômes, sa famille et ses anciennes connaissances. Bien plus qu'un simple western, Justified est l'histoire d'une region, d'un fils et d'un homme qui se retrouve confronté à tout ce qu'il a toujours voulu éviter : son histoire.

Western Moderne

Ici point de conquête de l'Ouest sauvage du XIXe siècle, point d'indiens et de chemin de fer, à première vue tout du moins. Les plaines désolées et arides n'étouffent pas le téléspectateur, les chevaux et leurs cavaliers ne siègent pas en personnages principaux, alors pourquoi qualifie t-on la série de Western ?
Justified sait user et détourner les codes du genre : le chapeau et le flingue de Givens sont en réalité les seuls liens concrets et visibles avec le genre ; au delà du simple clin d'oeil référence, ses attributs font partie intégrante de la vie de Givens, faisant de lui le seul pistolero de l'ensemble de la série et surtout le seul natif du Kentucky à être devenu Marshall (fonction qui dérive de celle du shérif, d'ailleurs). Le chapeau qu'il abhorre et ne délaisse jamais représente son identité, symbole à la fois de sa réussite personnelle et de sa trahison, son ostracisme volontaire de sa région natale. La vilenie que tout shérif se doit d'affronter s'incarne ici en les racines de Givens, son père d'une part, et son ami d'enfance, Boyd, d'autre part. D'un western on passe à une saga, une histoire de famille.

Le stetson et le gun, aka l'armure de Givens.

Certes, le paysage n'est pas celui des westerns traditionnels, on retrouve bien un peu de sable au détour d'un plan, mais l'aridité et le climat suffoquant sont bien là : soleil omniprésent, paysages quasi labyrinthiques, et l'absence de réels repères temporels opèrent comme décors westerniens.
Enfin, la cause du pistolero, sa raison de brandir son arme, est ici aussi la justice, mais une justice teintée de revanche. Toutefois, que serait un cow-boy sans une dem'zelle, non content d'en avoir une, Givens en a deux, son ex-femme et la veuve du frêre de son ami d'enfance, Boyd.


Le Kentucky, un paysage qui fait rêver.

Code du genre usés et détournés avec habilité et ce dans le but d'exposer en réalité l'histoire d'un homme et de son passé, l'histoire d'un fils et de son père, l'histoire d'un être qui affronte ce qu'il n'a jamais voulu être.


Guerre des clans, histoire de famille

Le Kentucky profond de Justified délivre l'histoire de villages qui ont à leur tête des familles ancestrales. La série nous expose les affrontements entre Givens et sa famille mais surtout entre les familles entre elles. Sur ces deux premières saisons, elle met en scène les familles qui detiennent les commerces illégaux allant de la weed à la crystal meth.
Alors que la première saison traite d'une lutte intestine au sein du clan Crowder, dont Boyd  l'ami et rival d'enfance de Givens fait partie, la seconde introduit le clan Bennets qui affrontera ce qui reste des Crowder autour du marché des drogues. Chacune d'elles possède une tête pensante, Bo puis Boyd pour les Crowder, la Margaret Thatcher locale, Maggs, pour les Bennet. S’interpénètrent donc les affrontements entre les familles pour les marchés illégaux et ceux entre Givens et ses anciens compères. 
Les deux personnages les plus complexes sont sans conteste Maggs et Boyd. Ils tiennent une place de choix au sein du scénario et des familles et embrassent de nombreuses ambiguïtés.
Maggs gère sa famille et son trafic, sa place de matrone, définie obligatoirement par son sexe, l'a obligée à s'imposer avec des moyens similaires aux hommes -meurtres, manigances politiques et discretion - mais à l'aide de manière différente : l'apple-pie, sa gnole, régulièrement empoisonnée pour ses adversaires, ou encore son charisme et ses discours font d'elle une dirigeante à part entière qui controle plus qu'elle n'impose. Néanmoins, elle ne cherche qu'une chose, à relâcher ce pouvoir, à ne plus porter le fardeau de sa famille dealeuse, elle veut être mère, de ses fils d'une part, mais surtout de Loretta. Loretta personnifie par sa présence et son role toutes les ambiguités de Maggs : son père fut tué par la matronne, elle est accueillie et élevée par cette dernière, ensuite, dans le but de faire d'elle une femme forte, une femme qui pourra s'imposer et dominer l'univers d'homme qui l'attend. Mags veut fuir sa réalité, celle de démurge de la weed, pour embrasser une vie de mère retirée tout en usant des méthodes de l'identité qu'elle essaye de quitter.


Do you want some apple-pie ?

Boyd, quant à lui, épouse de nombreuses facettes : réelle incarnation de la métaphysique de la série, il incarne successivement la trahison, la foi, la rage, l'ataraxie et enfin la fatalité. En essayant de s'échapper de son identité première, celle de fils d'un père qui dirige l'ensemble du réseau de meth de la campagne du Kentucky, Boyd se tourne vers Dieu et tente de laver ses péchés et ceux de ses fidèles. Devenu un réel prophète pour certains, ces suivants sont massacrés par un père qui n'accepte pas sa trahison. Les corps gisants de ses prochains déclenche sa rage qui le conduit au parricide. Retiré, faisant peter des mines comme exutoire, Boyd voit son passé le rattraper, le conduisant à reprendre le trafic de sa famille et à s'enamourer de la veuve de son frêre ainé.


La scène magistrale des pendus, véritable turn-over pour Boyd 


Les familles se voient confrontées au sein de la saison 2 et surement dans la saison 3 à l'incursion d’éléments extérieurs qui perturbent leur tranquillité. Ces moments sont l'occasion de manigances supplémentaires, chacun essayant de tirer profit de la situation. La saison 2 est rythmée par une société minière qui souhaite étendre ses constructions en plein milieu de Harlan. Echo à peine dissimulé à la construction des chemins de fer du XIX eme siècle dans le grand ouest américain, ce ressort scénaristique permet de se rendre compte que l'extérieur est essentiellement synonyme d'étranger. Les sociétés du fin fond du Kentucky apparaissent  ici alors comme profondément xénophobes et intrinsèquement endogamiques (ce qui expliquerait le nombre de consanguins qu'on semble apercevoir dans la série). L’extérieur représente l'envahisseur, celui qui n'a pas sa place. L'US Marshall Office, où Givens est employé, est lui aussi un des ces éléments extérieurs, il ne maîtrise en rien les problématiques inhérentes aux familles qui composent le paysage de ce Kentucky éloigné. Givens fait office de médiateur, de pont entre la loi et les familles et entre l’extérieur et les campagnes kentuckienne.

L'invasion exterieure de la saison deux est incarnée par Rebecca Cresckoff, on a vu pire.


Au milieu de ce marasme familial, Givens et ce qui lui reste des siens, son père et sa belle-mère, gravite. Il est la loi, le paria, tout en étant une part indissociable des familles : véritable frère ennemi de Boyd, neveu d'adoption de Mags et réel traitre au sein de sa propre famille. Givens possède un père qui le renie, un homme embourbé jusqu'au cou dans le trafic et les liens avec la famille Crowder. S'attirant la foudre des Bennets, comme à chaque fois dans les histoires de famille, c'est sa femme qui paye le prix de sa vie. Le père haï par le fils reste en vie, la mère d'adoption est tuée par les fils Bennets, Givens perd ainsi la seule figure familiale appréciable qui lui restait. Les familles s'entremèlent, se déchirent et possèdent comme pivot la figure de Givens, marshall qui passe plus le temps a se faire botter les fesses par son passé qu'autre chose. Givens ne contrôle pas, il subit, il tente d'éviter les débordements, il écope un navire en train de prendre l'eau. La fascination qu'impose Justified se situe là: Givens est au carrefour des sentiments, il renie ceux qu'il aime et tout comme Mags et Boyd, Givens se retrouve à être ce qu'il exècre, ce qu'il avait fuit.

Boyd et Givens, la relation la plus intense de la série.


Ces guerres quasi fratricides créent des personnages qui pourraient être extrait de grande tragédie racinienne, car c'est la réelle nature de Justified, la tragédie.

La saison 3 de Justified est en cours de diffusion sur FX et vient d'être renouvelée pour une quatrième saison.
Le générique Bad-ass de la série c'est par là 
P.S. : Notre nouveau chat d'or, tout joli, tout beau, rien que pour vous.


N. (super est ce mois de Mars)


9 commentaires:

  1. Pourquoi il y a pas l'image du minou qui montre que t'as bien aimé ?

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  2. Pourquoi t'as pas mis le générique en lien ?

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  3. L'ensemble est ajouté, qu'est ce qu'on ferait pas pour plaire à nos lecteurs !

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  4. Rraaaaaa! Mais c'est tellement bien vu tout ça! L'analyse est juste parfaite. Tout y est: les malédictions familiales, le Kentucky, la nature d'anti-héros de Givens qui se planque derrière toute sa classitude: son chapeau, son flingue et son physique de sexy cow-boy(je ne m'étendrai pas ici sur son physique), l'apple pie, et Boyd, BOYD! Et tout le reste...
    Je cesse illico de faire ma baltringue, et je me mets à la saison 3 sans plus attendre;
    FIIRE IN THE HOOOOOLE!!!

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  5. A y est, je suis à jour.

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  6. L'acteur est beau. (un commentaire d'une pertinence folle)

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