jeudi 6 octobre 2011

Critique Pilot - Homeland : mon héros!


Il y a de ces jours où l'on s'ennuie vraiment. On est seul, chez soi : personne à qui parler de vive voix entre le matin où l'on se lève et le soir où l'on se couche. A l'époque où nous vivons, ces jours-là se font certainement rares ; la solitude est d'autant moins authentique qu'il y a toujours Facebook, Twitter, des e-mails à envoyer, un téléphone à portée de main, la télévision, les séries américaines...Imaginez donc un véritable jour d'ennui. La tour la plus proche ayant pété un câble, Internet est hors d'accès; votre Blackberry, stupide engin, n'a plus de batterie et d'ailleurs, vous n'avez pas d'électricité parce que vous vivez à la campagne. Même votre chat n'a rien à raconter et vous avouerez qu'en temps normal sa conversation est un peu limitée car il ne dispose que d'une neurone et demi. Vous y êtes? Les heures qui défilent lentement...Vous avez fait du ménage dans votre baraque, lu un roman entier ou vingt-huit mangas et trois bandes-dessinées, préparé et consommé six repas et vous envisagez de vous remettre à la peinture, ou au tricot. Bon. Imaginez alors que vous n'avez pas d'autre perspective pour le lendemain, ni même le jour d'après, en réalité votre horizon ne comporte aucune alternative. Personne ne cherche à vous joindre et vous ne pourrez joindre personne.
Maintenant, je vous enlève toutes les occupations qui vous ont sauvé la vie entre le lever et le coucher; je vous enlève également la lumière. Vous êtes dans une geôle pourrie, un trou, sans espoir, les souvenirs se brouillent : cela fait si longtemps que vous n'avez pas pris une douche que vous avez oublié le contact de l'eau. Cela fait si longtemps que vous n'avez pas vu un miroir que vous avez oublié à quoi vous ressemblez. Et finalement, la solitude -le mot perd son sens- est votre réconfort, car à l'extérieur, hors de votre trou immonde, il y a des gens qui vous haïssent par principe et qui vous veulent du mal. On vous hait pour ce que vous avez fait avant, avant de vous retrouver dans ce pétrin épouvantable.

Bon, ben vous n'êtes pas loin de ce qu'a ressenti huit années durant Nicholas Brody, le protagoniste de Homeland, nouvelle série diffusée dimanche dernier sur Showtime et première nouveauté de la saison à sortir la tête de l'eau : nous avons enfin droit, mes amis, à de la finesse, de la justesse, de la qua-li-té. Ce pilote jongle parfaitement entre les différentes facettes de l'intrigue : le traumatisme du prisonnier de guerre, le malaise de sa famille et les conséquences diplomatiques du retour au pays d'un héros. Le jeu des acteurs rend à la perfection les nuances du scénario : j'avais déjà salué Claire Danes et Damian Lewis mais laissé de côté la fantastique Morena Baccarin, que l'on aimait déjà beaucoup pour son rôle dans Firefly, ou même son apparition dans Medium. Elle campe ici Jessica Brody, la femme du Marine miraculeusement retrouvé dans une prison en Irak : hourra pour l'interprétation d'une épouse qui a su faire son deuil et voit tout à coup ses efforts vidés de leur sens. A vrai dire, la force de Homeland réside en premier lieu dans cette gestion magistrale du contraste entre le vécu du soldat prisonnier et sa brutale réinsertion dans une société qui l'acclame. Rien n'est simple : les autorités en font un héros pour des raisons avant tout politiques ; sa famille l'accueille à bras ouverts alors que ses jeunes enfants l'ont oublié et que sa femme fréquente son meilleur ami. On évolue dans une zone grise, qui suggère avec justesse que la fin du calvaire ne signifie jamais le retour à une vie normale. Bon, et pour les mecs dont la subtilité n'est pas le point fort, on a également droit à des flashbacks bien sentis (pas comme ceux de Revenge) qui nous plongent violemment dans les souvenirs de Brody (pas de cul-cul la dedans, non non non).

Non, ce n'est pas une blague

L'autre pan fabuleux de Homeland, c'est le personnage de Carrie Mathison, joué par Claire Danes. J'étais déjà enthousiasmée par la théorie du complot qui pèse sur le retour de Brody, mais là je suis carrément à BLOC. Tout d'abord, on est pas dans Lost ici : on n'attendra pas cent épisodes pour avoir des réponses, même si l'on imagine aisément que le pilote ne donne pas toutes les clés de la saison. Reste qu'il apparaît, toujours de façon savamment distillée, que Brody est un personnage ambigü : il ment à la C.I.A., il ment à sa femme, il ment à tout le monde. D'autre part, l'épisode est en réalité davantage centré autour de Carrie que ce que le trailer ne laissait croire : loin d'être un personnage annexe, elle est réellement au coeur de l'intrigue. On savait déjà que les informations obtenues d'un contact en Irak l'avaient convaincue de l'existence d'un traître parmi les prisonniers de guerre américains, mais j'avais personnellement sous-estimé son acharnement à prouver que Nicholas Brody est à la solde des gens qui l'ont enlevé. Le fait que Carrie place illégalement, dès les premières minutes de l'épisode, des caméras et des micros dans toute la maison du Marine nous insère directement dans une ambiance dangereuse, sans le surjeu à l'Américaine habituel. De plus, c'est l'occasion de traiter avec une rare intensité les "retrouvailles" de Brody et de sa femme : la violence de leur rapport sexuel est dure à supporter et ce d'autant plus que Carrie, chez elle, en est la spectatrice. Elle persiste à se confronter à toute cette souffrance, terrifiée à l'idée qu'une inattention de sa part ne mène à des événements terribles comme ceux du 11 septembre 2001 : au fil de l'épisode, on comprend que Carrie est réellement quelqu'un de perturbé, affligée de troubles psychologiques importants. On la sent en permanence sur le point de craquer, n'hésitant pas à se mettre en danger sur tous les plans, en pleine marche vers l'auto-destruction. Y'a pas à tortiller, Carrie Mathison est LE personnage de la rentrée et la performance de Claire Danes, si elle continue sur sa lancée, la mène tout droit à l'Emmy. 

Claire Danes, mon héros

Il existe bien sûr un filon d'or dans tout ce qui à trait au combat, aux traumatismes, au conflit : Band of Brothers, Generation Kill, The Pacific sont des exemples de miniséries à succès qui prouvent un intérêt certain du public et de la critique pour le sujet. Il n'était toutefois pas évident de s'attaquer aussi durement à la guerre en Irak mais aussi à la question de la fidélité du soldat -pourtant, cette fois encore le pari est gagné, pour notre très grand bonheur à tous après ces vingt-deux sitcoms affreuses.
Je dirais donc que ce surf sur la vague méga hype du soldat et de son expérience de la guerre est une totale réussite, ce qui explique aussi que je me refuse à vous le spoiler de façon trop extensive : le pilote mérite avant tout d'être vu.

W.

2 commentaires:

  1. <3 <3 <3
    Non plus sérieusement j'ai vraiment été emballée par le pilote même si je ne suis pas une fan du soldat (je n'ai toujours pas vu Band of Brothers ou encore The Pacific). Le seul problème que l'on pourrait reconnaître à la série c'est la légère lenteur d'action mais au final ça ne fait que donner de l'ampleur, de la profondeur à l'ensemble (enfin avis purement perso, après si on est fan de films d'action à la Schwarzy c'est peut être pas LA série).
    Sinon que dire : c'est un super bon article qui met bien en perspective la structure apparente de cette série.
    Merci Mlle.

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  2. OMG Mais c'est de la bombe de balle cette série!
    Au delà du bonheur de revoir Damian Lewis (captain Winteeeeeeeeeeeers!!), je partage totalement ta vision: la subtilité, la finesse avec lesquelles les thèmes sont abordées, l'intérêt des personnages, le jeu d'acteur... Tout est au top.
    Y a pas à dire, ça envoie du bois!

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