samedi 15 septembre 2012

Pour la rentrée on fait pas nos sucrés 2 - Une rentrée très HBO : Boardwalk Empire & Treme

 

La difficulté ce n'est pas d'écrire sur les objets de nos haines mais sur ceux de nos passions. La peur de souiller, d'altérer la préciosité de ce qu'on chérit est constante ; la peur de ne pas être à la hauteur du sujet dont on traite, celui qu'on tente d'analyser. C'est empreint de cette crainte obsessionnelle de dénaturer les séries de HBO que j'ose m'attarder sur Boardwalk Empire et Treme aujourd'hui.






Boardwalk Empire - Identité, péché et pouvoir




La grande fresque historique mafieuse de HBO. Entrer dans l'univers de Boardwalk Empire n'est pas chose facile: lenteur, inaction, répliques soignées mais peu aisées à appréhender, il faut attendre presque la fin de la première saison pour comprendre les intentions de son créateur, Terrence Winter. Ainsi le basculement progressif de la série dans la violence, la trahison et la noirceur se fait-il de façon homéopathique. Bien plus prenante encore est l'évolution de ses personnages, tous empreints de doutes, tous criblés de faiblesses, tous emportés par les conséquences de leurs actes qu'eux mêmes n'arrivent que peu à maîtriser. Boardwalk Empire possède la force des tragédies, celle de l'inextricable. Chaque  personnage tente de lutter contre son destin, contre ce qui l'anime et ce qui l'attire vers son mal. Prisonniers de la condition qu'ils se sont crées, le péché, thématique omniprésente dans la création de Winter, peut soit les envahir, c'est le cas de l'Agent Nelson, soit les effrayer, c'est le cas de Margaret Schroeder, soit les pousser à la rédemption, c'est le cas de Jimmy, ou bien il semble ne pas les atteindre, comme Nucky Thompson le prouve. Les personnages de Winter sont de l'ordre de l’orfèvrerie : tous semblent être en quête d'une nouvelle identité, qu'elle soit voulue dans le cas de Jimmy et de Miss Schroeder, ou subie comme pour l'Agent Nelson. Ils se créent, se sculptent au fil des épisodes tout en passant leur temps à se chercher, à se trouver un rôle. Les deux exemples les plus probants sont ici celui de Jimmy et celui de Margaret Schroeder. Cette dernière représente l'entre deux, celle qui a changé de classe sociale, celle qui a pris des décisions qu'elle-même ne semble pas comprendre et, sur le long terme, assumer. Elle n'est plus ce qu'elle représente et représente encore moins ce qu'elle est.
L'enjeu de la saison 3 est simple : comprendre ce qui anime Nucky Thompson qui reste jusqu'alors le grand mystère de l'oeuvre conjointe de Winter et Scorsese. Pendant deux saisons le personnage incarné par Steve Buscemi semble conduit par une soif du pouvoir, une volonté sans faille de tenir sa ville mais à aucun moment on ne comprend les raisons de cet entêtement, c'est d'ailleurs Thompson qui l'explique lui même :"You don't know me James, you never did" (oui comme je suis sympa je ne donne pas la réplique en entier car je veux que comme moi vous soyez scotchés à votre chaise).
Toutefois, en dehors de ces protagonistes principaux réussis, la série possède une force incontestable : ses seconds couteaux, quasiment tous sont fascinants, au premier plan Richard Harow, suivi de près par Lucy Dandziger qui délivre l'une des plus intenses performances de la saison deux.
Ces personnages gravitent dans un monde qui vibre tout autant que celui du Boardwalk d'Atlantic City : le travail de Scorsese sur l'ambiance est tout simplement enivrant, les choix musicaux, les décors et les changements d'ambiance progressifs sur l'ensemble des deux saisons : l'omniprésence des lieux de l'intime dans la saison deux en opposition avec ceux de la fête dans la première saison, fait la place à un silence soutenu surtout en comparaison à la folie musicale des premiers épisodes. L'ambiance est ainsi un élément moteur de la série de HBO, tout comme une de ses autres créations, Treme.


Treme - Le silence de ces anonymes qui chantent





L'histoire de l'anonyme, l'histoire de celui qui n'est rien d'autre qu'un être parmi d'autres, l'histoire de cet anonyme qui tel un héros de tragédie doit affronter la réalité d'une nature et d'un destin qui le dépasse et qu'il ne peut maîtriser, Treme c'est simplement cela. Brûlant d'actualité, Isaac venant de terroriser les habitants de Nouvelle Orléans, Treme s'attarde et surtout s'enlise dans le quotidien des habitants d'une Nouvelle Orléans post Katrina. Délaissée par le gouvernement Bush, la ville ravagée ne retrouve que peu son visage et sa flambe d’antan. Ainsi, David Simon, créateur et showrunner de la série, pose son regard sur des personnages fictifs criants de vérité, beauté, espoir et dépression. Chaque mot, chaque instant de caméra exprime une poésie teintée de spleen et d'espoir. Avant d'être une fresque sociale, s'attardant sur une classe à part, celle du délaissé, Treme c'est avant tout l'histoire d'individus qui résonnent à travers leur ville et le son de ses murs. La ville détruite et oubliée tente de se reconstruire par elle-même, tente de survivre par sa musique. A la fois expression de la dépression des musiciens, la musique est aussi reconstructrice et surtout phare dans la nuit noire des habitants de la capitale de la Louisiane. Objet étrange et impénétrable, la série est ponctuée de scènes transcendantes,  mystiques et dont l'émotion brute et sensible détrousse le téléspectateur de toute protection. Les parades funéraires, les manifestions, les marches indiennes, l'ensemble des scènes de violons dans la rue, incarnent ces derniers cris qui retentissent dans les rues dévastées de la ville de Louisiane ; les traditions perdurent au-delà de la désolation, garantes d'un passé mais surtout d'une promesse d'avenir. La reconstruction passe par la mémoire, se fonde sur ce qui était, ce qui doit être de nouveau. Treme, ainsi, vous transporte, détruit et anime à la fois, véritable pièce poétique, la série n'épargne personne -pas même le téléspectateur.

La rentrée de cette année se passe sur HBO, rien de plus, rien de moins.


Boardwalk Empire sera diffusée le 15 septembre , Treme le 23 septembre.



Le générique de Treme :

 



N. en mode me faites pas chier

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